Rachel Vanier - auteure
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EST-CE MAL D'ECRIRE DES ROMANS DE PLAGE ?

10/16/2018

 
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Faire un effort quotidien d’auto-perfectibilité, comme moi (au cas où vous avez pas remarqué) peut confronter à pas mal de contradictions. Etre riche et être de gauche en même temps, lécher les bottes de son boss tout en restant sympa aux yeux de ses collègues, ou encore que manger gluten-fee sans passer pour une connasse sont des bons exemples de combinaisons périlleuses mais parfois nécessaires.

Mais ces acrobaties ne sont rien à côté du paradoxe auquel fait face l’écrivain « populaire », celui (ou celle) qui écrit des romans « féminins », « de plage », voire pire, « de gare ». Ces qualificatifs, qui pris hors de contexte sont plutôt mélioratifs, se transforment en quasi insulte quand ils sont adossés au terme « livre », en tout cas du point de vue de l’écrivain « puriste ». Pourtant le romancier de gare n’en reste pas moins écrivain.
Le paradoxe France Culture et Marc LévyL’écrivain populaire doit en fait conjuguer :
  • 1. d’une part l’impérieux désir de faire partie de l’élite intellectuelle, reconnue par ses pairs littéraires et autres abonnés à Télérama pour sa plume raffinée et la sophistication de son esprit (on l’appellera « l’impératif France Culture »),
  • 2. d’autre part l’honorable idéal démocratique de faire lire une large partie de la population, ceux qui ne remarquent certes pas les polysyndètes mais constituent un bassin de consommation tout à fait appréciable (on l’appellera « la pulvérisation Marc Lévy »).
Prenons pour exemple : MOI
Récemment on m’a demandé : « Je cherche un roman pour la plage – c’est bien pour la plage, non ? » 

D’abord j’ai été ravie que mon teint hâlé d’origine hongroise ait pu faire penser que tout ce que je produisais s’apprêtait au balnéaire. Puis je me suis rebiffée : comment ça un « roman de plage » ? Je suis passée dans « Ce Soir ou Jamais » quand même ! Sur France 2, une chaîne du service public. Avant de me contre-dire : quelle merveille, accompagner les plagistes de mes jeux de mots et prouesses syntaxiques, tisser avec eux un lien pendant que leurs esprits apaisés bronzent tranquillement.
Je n’ai pas su quoi répondre. Mon roman parle de deuil, de suicide, de relation père-fille, questionne l’expatriation dans un contexte ultra-connecté, la fuite en avant, les chocs psychologiques, autant d’éléments qui répondent à l’impératif France Culture. Mais il est drôle, se lit comme un blog, dans un langage oral, et un bon paquet des péripéties se passent entre la jungle et la plage Cambodgienne. Par ailleurs Frédéric Beigbeder a comparé mon héroïne, Madeleine, à Bridget Jones. Si c’est pas de la pulvérisation Marc Lévy, ça.

Le fait est que dans un monde comme dans l’autre, le monde France Culture et le monde Marc Levy, l’opposé n’est pas vraiment le bienvenu. Surtout quand on fait rire, alors mieux vaut aussi « faire réfléchir » – sinon on n’est rien de plus qu’un clown sans intérêt. A l’exception de très rares maîtres(ses) qui ont réussi la prouesse d’écrire des romans franchement accessibles sans se brouiller avec l’intelligensia germano-pratine, quand on fait dans le bouquin de sac de plage, on n’est pas le bienvenu dans les pré-sélections des prix littéraires.
A l’inverse, quand on nourrit les amateurs de romans à l’eau de rose (ou de science-fiction, ou de romances érotiques pour pré-adolescentes et quinquas ennuyées, tous les vilains petits canards de la littérature en somme), ce serait les trahir que de défendre bec et ongles le traitement réservé aux best-sellers dans le « Masque et la Plume« . Romancier(e)s de plage, on est Team Laurent Ruquier, pas Team Jérôme Garcin.

Quand on se situe dans une zone grise, comme moi, on se retrouve de facto poussé à défendre son statut de romancier-plagiste puisque, du point de vue France Cultre, on ne peut pas décemment l’être sans avoir une bonne excuse.
On devrait avoir honte d’avoir utilisé sa plume sacrée pour faire des blagues sans même avoir pensé à caser la moindre référence à Roland Barthes avant le troisième chapitre.
On devrait accepter sans broncher d’être relayé à la littérature de seconde zone sous prétexte qu’on a choisi de n’aborder ni l’inceste, ni la Shoah, ni la vie des intellectuels des années 70 dans son récit.
Et moi qui croyait qu’on écrivait des bouquins en toute liberté ! Que le roman c’était la quintessence de l’expression libre, que l’écriture c’était la révélation de l’intime sans filtre, sans préjugés, que s’essayer à la narration c’était une invitation perpétuelle à se défaire des carcans. Quelle naïveté.

Ecrire des romans de plage, ce sacerdoce.

Quand on a publié un roman, on n’est pas encore sorti de l’auberge. On a écrit un roman ? On n’est pas encore tout à fait écrivain. On en a écrit un deuxième ? On n’est toujours pas écrivain – « romancier », à la limite. On passe à la Grande Librairie pour parler de son livre ? Ok, à condition de décrocher un prix ou deux, de cultiver le violet foncé de ses cernes et de fumer sur les plateaux télé. Mais qu’on en ait écrit un, deux ou quarante, lauréats ou pas, plébiscités par la critique ou totalement ignorés des médias, il faut choisir son camp : France Culture ou Marc Levy.

Moi-même je n’ai toujours pas fait la part des choses.
Parfois, je cède à l’impératif "France Culture", je revêts l’habit noueux de l’écrivain torturé, je chausse mon stylo plume (car oui, tous les écrivains possèdent des stylos plumes) et couche sur le papier mes pensées existentielles. Une partie de moi le fait parce qu’elle en a envie, mais une petite partie le fait aussi parce qu’elle veut sa revanche sur tous ceux qui ont catégorisé Madeleine chez les « Bridget Jones » et attendu le mois de Juillet pour acheter mon livre parce qu’avant, ils ont lu des romans plus « exigeants ».
Parfois je me marre en écrivant mes propres blagues (je suis très autonome dans mon sens de l’humour). Mais la plupart du temps, je me marre pas du tout, je cravache et je galère et je bosse, je sors mes tripes, chiale devant mon écran, déchire des cahiers de notes, tout ça pour écrire un roman de plage. Car écrire un roman de plage, c’est aussi difficile que n’importe quel roman.
Au fond de moi, je sais bien que je serai jamais tout à fait du matériel France Culture. D’une part, parce que j’aime bien critiquer les intellos snobs, d’autre part, parce que j’ai la flemme de chercher des citations de Roland Barthes pour mes prochains bouquins. Le problème, c’est que la catégorisation du romancier est binaire : soit France Culture, soit Marc Lévy. Et puisque je ne me suis pas revendiquée Télérama, je me suis fait ensabler contre mon gré.

Je sens bien que mon éditeur, ça l’embête un peu de me mettre dans cette catégorie. Quand je lui ai soumis mes interrogations (« Suis-je une écrivaine de plage? » – « Fais-je dans la Chick lit ? »), il m’a rappelé que « 90% des lecteurs sont des lectrices » et que par conséquent, le concept de « Chick lit » n’a pas vraiment de sens. Et je crois qu’en bon auditeur de France Culture, il a quelques scrupules à arguer du bikini dans ses communiqués de presse. Finalement, je me retrouve dans une catégorie un peu intermédiaire, celle du roman « faussement léger » – certains y voient un bon divertissement qui leur donne envie de voyager et zappent totalement la quête existentielle. D’autres se reconnaissent profondément dans la description de la douleur du deuil. Et puis d’autres encore (mes préférés), voient tout à la fois.

Mes amis écrivains-France-Culture ils me disent de pas trop déconner quand je fais la promo de mon livre, parce qu’il faut que je sois « prise au sérieux par les critiques ». In fine ce qu’ils me font comprendre, c’est que déjà que c’est pas franchement Télérama dans le style, si en plus je me refuse à me branler la nouille pendant des heures sur mon pacte d’écriture, on va vraiment finir par croire que je l’ai cherché, le qualificatif Bridget.

Le voyage

6/13/2018

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Ce que je préfère en voyage, c’est bénéficier d’une absence totale d’images mentales de ma destination. La virginité absolue d’a priori. Une page blanche, comme en écriture, qui suscite l’inspiration, la curiosité, et une forme d’effroi excitant. C’est pour moi la seule et unique manière de vivre une véritable aventure.
C’est une tâche ardue qui nécessite une forme de discipline, car nous sommes bombardés d’images – et la télévision faisant bien son boulot, elle nous montre celles qu’on a envie de voir, d’endroits qu’on veut visiter. Avant Internet, en l’absence de voyage, on pouvait se laisser transporter par les livres, aujourd’hui on a les séries américaines. Les livres nous laissaient la marge d’interprétation des descriptions, l’appréciation du choix des mots. Aujourd’hui, on a vu mille fois New York avant d’y avoir mis les pieds, on visualise l’architecture florentine, on sait reconnaître Big Ben. La prégnance de l’image, de l’explication, de la description est telle, qu’on a déjà senti les effluves de coriandre avant même d’être allé en Asie.
Si on veut vivre pleinement une aventure, il faut oublier toutes ces images, vider son disque dur. Acheter un guide touristique, pourquoi pas, mais ne le lire qu’après être arrivé à bon port. Ainsi on s’émerveillera de tout, d’une part parce que c’est beau, parce que c’est différent, et surtout parce que c’est inattendu. Il n’y rien de pire, en voyage, que de se dire : « Ah c’est comme sur la photo ».
Bien sûr, on ne peut pas ne pas savoir à quoi ressemble la Tour Eiffel, la Statue de la Liberté ou le Taj Mahal. Et quand on les voit, de pierre et de métal, se tenant fièrement devant nous, témoins millénaires de l’imagination humaine fertile, on est piqué d’émotion. Mais le voyage ne se résume pas qu’à la checklist des monuments à avoir vu dans sa semaine. C’est l’envahissement d’impressions diverses et de sensations inédites, un patchwork tout autant émotionnel que rationnel, qui nous font nous dire : « j’y suis allé ». Chaque détail compte, la forme du menton des autochtones, la règle locale pour les pourboires, le nom de l’enseigne de l’épicerie, tout ce qui semble anodin mais à quoi rien ne nous prépare. Et qui nous donne la sensation si agréable de découvrir.
En sortant de l’aéroport, on a toujours un moment de « tampon », car tous les aéroports se ressemblent, et aucun de nous donne d’indice sur ce qui nous attend. Il y a toujours du béton, des taxis, des touristes rougeauds et des caddies qui trainent. On peut avoir plus ou moins chaud, on peut voir plus ou moins de teintes de couleur de peau, mais on ne plonge pas encore dans le grand bain.
Dès qu’on s’aventure un peu plus loin du tapis de bagages, on commence à réaliser : les couleurs des panneaux de signalisation. La hauteur des maisons. Les décorations des ronds-points. La densité de la circulation. Et puis en arrivant, on commence à remarquer. Ici, on parle plusieurs langues différentes. Je n’arrive pas à interpréter ce sourire. Je pensais que la lumière du jour serait plus intense. Et on passe à côté de millions de découvertes que notre cerveau absorbe et que notre conscience ne traitera que plus tard.
J’adore arriver dans une ville sans connaître le nom des quartiers. Laisser les gens me dire : « Il FAUT que tu fasses ça ». Je n’aime pas dire « J’ai fait cette attraction touristique ». Même si elles ne sont pas rocambolesques ni pleines d’actions : je veux juste vivre des aventures.
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